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Saisine d’une juridiction incompétente dans le délai Czabaj : précisions sur le délai pour saisir la juridiction compétente

Public - Droit public général
12/07/2023
Dans un arrêt rendu le 5 juillet 2023, le Conseil d’État a rappelé qu’un requérant disposait d’un délai d’un an pour saisir une juridiction d’un recours contre une décision ne mentionnant pas les voies et délais de recours. Il vient préciser que lorsque le requérant saisit une juridiction incompétente, le délai dont il dispose pour saisir la juridiction compétente est de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision d’incompétence de la juridiction initialement saisie.
Un agent public contractuel de l’ANPE, puis de Pôle emploi, a candidaté à un nouvel emploi au sein de Pôle emploi. Il s’est vu opposer un refus par une décision du 16 octobre 2015 ne mentionnant pas les voies et délais de recours. L’agent a ensuite contesté la décision auprès du tribunal d’instance de Fort de France en décembre 2015. Le tribunal s’est déclaré incompétent par un jugement rendu en mai 2017. En octobre 2018, l’agent a saisi le tribunal administratif de la Martinique, qui a fait droit à sa demande d’annulation de la décision mais ne s’est pas prononcé sur les conclusions indemnitaires. Le requérant ainsi que Pôle emploi ont fait appel. L’agent se pourvoit en cassation.
 
Le Conseil d’État se prononce dans un arrêt du 5 juillet 2023 (CE, 5 juill. 2023, n° 465478, B) sur la question du délai dont disposait le requérant pour saisir le juge administratif à la suite du jugement du tribunal d’instance se déclarant incompétent, au regard de la jurisprudence Czabaj.
 
Pour rappel, la Haute cour avait déclaré dans un arrêt rendu par l’assemblée du contentieux en 2016 (CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763, Czabaj, A) : « que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance » (voir Le Lamy contentieux administratif n° 198 - L'absence de caractère perpétuel des voies de recours – jurisprudence Czabaj).
 
Ici, il s’agissait de déterminer sous quel délai le requérant pouvait saisir le tribunal administratif de la contestation de la décision rendue par Pôle emploi, qui ne mentionnait pas les voies et délais de recours, après le rejet par un tribunal incompétent.
 
Le Conseil s’était déjà prononcé sur cette question du délai de recours après saisine d’une juridiction incompétente dans le cas d’un titre exécutoire, et avait déclaré dans une décision de 2018 (CE, 9 mars 2018, n° 401386, Communauté d'agglomération du pays ajaccien, B), confirmée par une décision du 31 mars 2022 (CE, 31 mars 2022, n° 453904, Département du Val d'Oise, A) qu’un débiteur qui saisit à tort la juridiction judiciaire d'un titre exécutoire :  
Dans sa décision du 5 juillet 2023, le Conseil d’État, reprenant les termes de son arrêt de mars 2022, annonce ainsi que « ce délai raisonnable est opposable au destinataire de la décision lorsqu'il saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration ».
 
Il ajoute que « Ce requérant est ensuite recevable à saisir la juridiction administrative jusqu'au terme d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction judiciaire s'est, de manière irrévocable, déclarée incompétente », et confirme ainsi la décision de 2022 mais l’étend au-delà du cas du titre exécutoire.
 
En l’espèce, le requérant avait bien saisi la juridiction judiciaire, qui était en fait incompétente, dans un délai d’un an. Toutefois, la saisine du juge administratif, compétent, était intervenue au-delà d’un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision d’incompétence de la juridiction judiciaire. Une saisine intervenue au-delà de ce délai de deux mois n’est pas recevable.
Source : Actualités du droit