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Affaire Barbarin : précisions sur le délit de non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineur de quinze ans

Pénal - Droit pénal spécial
14/04/2021
Le 14 avril 2021, la Cour de cassation précise que l’obligation de dénonciation disparaît, si au moment où les faits sont connus, les victimes sont en mesure de les dénoncer.
L’archevêque de Lyon est informé en mars 2010, en 2014 et 2015 qu’un prêtre du diocèse de Lyon, curé de paroisse, aumônier d’un établissement catholique et aumônier d’unité scoute, avait commis des agressions sexuelles dans les années 1980 et 1990. Plusieurs victimes font citer cet archevêque pour ne pas avoir dénoncés ces faits.
 
Concrètement, l’article 434-3 du Code pénal dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2000-916 du 16 septembre 2000 réprime le fait « pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ».
 
Sur les faits d’agressions sexuelles portés à la connaissance de l’archevêque en 2010, la cour d’appel déclare éteinte par prescription l’action publique. En effet, « cette infraction est un délit instantané pour lequel la prescription commence à courir au moment où la personne prend connaissance des faits susceptibles de constituer l’infraction principale et ne les dénonce pas, soit, en l’espèce, en mars 2010 ». De plus, le délai de prescription de trois ans n’a pas été interrompu avant l’ouverture en 2016 d’une enquête à la suite de la plainte en non-dénonciation.
 
Confirmation de la Cour de cassation : « le délit de non-dénonciation de mauvais traitement sur mineur, prévu et puni par l’article 434-3 du Code pénal, dans sa rédaction applicable en la cause, était un délit instantané dont la prescription courait à compter du jour où le prévenu avait eu connaissance des faits qu’il devait dénoncer ». Les faits étaient donc prescrits lors du premier acte d’enquête de 2016.
 
Sur les faits portés à sa connaissance en 2014 et 2015, la cour d’appel a confirmé la relaxe estimant que l’obligation de dénoncer les actes d’agressions sexuelles sur mineur avait disparu, d’une part car la prescription était acquise quand il avait été informé de leur existence et d’autre part, parce que les victimes étaient en mesure de faire connaître elles-mêmes ces faits aux autorités administratives et judiciaires. Notamment, car elles étaient « insérées au plan familial, social et professionnel et ne souffraient pas d’une maladie ou d’une déficience les empêchant de porter plainte ».
 
Réponse de la Haute juridiction : c’est à tort qu’il a été jugé que l’obligation avait disparu en raison de la prescription de l’action publique. Cependant, la cassation n’est pas encourue dès lors que par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d’appel a estimé que les victimes étaient, au moment où les faits ont été portés à la connaissance de l’archevêque « en état de les dénoncer elles-mêmes ».
 
Concrètement, la dénonciation prévue à l’article 434-3 du Code pénal n'est obligatoire « que lorsqu’elle est particulièrement nécessaire en raison de certaines circonstances de fait ». L’interprétation de ces dispositions doit donc se faire « de manière stricte ». D’autant plus qu’il n’existe pas en droit pénal de principe général obligeant une personne à dénoncer une infraction dont elle a connaissance.
 
L’objectif de l’article est de lever l’obstacle aux poursuites pouvant résulter de l’âge ou de la fragilité de la victime qui ne peut dénoncer les faits. Une fois l'objectif atteint, « l’obligation de dénonciation ainsi prévue disparaît ». Aussi, la Cour de cassation précise que la condition relative à la vulnérabilité de la victime doit être remplie « non seulement au moment où les faits ont été commis, mais encore lorsque la personne poursuivie pour leur non-dénonciation en a pris connaissance ».
 
Sur la prescription, l’article n’impose pas qu’elle ne soit pas acquise précise la Cour. De plus, les « les règles relatives à la prescription sont complexes et ne peuvent être laissées à l’appréciation d’une personne qui peut, en particulier, ignorer l’existence d’un acte de nature à l’interrompre » souligne la Haute juridiction.
 
Conclusion : l’évêque n’était pas tenu de dénoncer les agressions commises car les victimes, en 2014 et 2015, étaient en état de les dénoncer elles-mêmes. « Ce seul motif est de nature à justifier la relaxe prononcée ».
 
 

 
Source : Actualités du droit